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Agriculture : qui osera enfin demander la libéralisation du secteur ?

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Les aides publiques ont pratiquement fonctionnarisé le métier d’agriculteur. Il est temps de réformer un secteur trop dépendant de l’Etat et de l’Europe.

Le salon de l’agriculture vient d’ouvrir ses portes à Paris. Pour les hommes politiques français, c’est le lieu de passage obligé : il s’agit d’aller serrer des mains, tâter des arrière-trains de bovidés et goûter du bon vin entre deux rondelles de saucisson. Bref, il faut se montrer devant une clientèle électorale à ne jamais négliger. Voilà une relation toute particulière qui, en essence, explique malheureusement la crise que traverse l’agriculture.

Car si « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », les mamelles du labourage et du pâturage, elles, se trouvent du côté de la politique. Et comme très souvent en France, l’achat d’une clientèle politique se fait avec « l’argent des autres », dans ce cas précis, l’argent non seulement du contribuable français, mais aussi de l’Europe et de la Politique Agricole Commune (PAC).

Les agriculteurs se sont laissé entraîner dans une politique d’assistanat et de dépendance, alors qu’ils se cassent les reins dans la terre ou la boue lors de journées interminables, pour, en outre, très souvent finir par s’endetter, voire même se suicider de désespoir. La crise de l’agriculture est donc un scandale économique et moral.

N’est-ce pas pourtant le libéralisme qui depuis au moins 1992 plombe l’agriculture française ? C’est l’opinion de certains « d’experts agricoles » français de droite comme de gauche qui jouent la carte de « l’agriculture n’est pas une entreprise comme une autre », de l’« échec du marché », de « l’exception », afin de justifier l’interventionnisme agricole. Une carte bien pratique qui permet en réalité de maintenir des monopoles et des soutiens à un vaste système pseudo-syndical qui pompe l’énergie, l’argent et la liberté des agriculteurs, bridant leur potentiel, tout en prétendant les protéger.

Bien sûr que le métier d’agriculteur est risqué, non seulement du fait des aléas climatiques mais aussi des aléas des marchés. Mais les mécanismes de mutualisation et d’assurance (non politisés) face au risque existent. Le vrai problème de l’agriculture en France vient que l’on étouffe ses entrepreneurs d’un côté, qu’on les rend dépendants de l’autre, en les coupant finalement des consommateurs.

On les étouffe avec de la paperasse (un tiers du temps de travail pour certains agriculteurs !), avec nombre de réglementations stupides qui ne favorisent en rien la sécurité sanitaire ou la protection de l’environnement – des réglementations qui, au surplus, changent en permanence. On les étouffe avec des charges écrasantes, des mécanismes « sociaux » obligatoires devenus de véritables systèmes de racket corporatiste.

L’impossibilité de grossir et rester ainsi non-compétitif est vue comme une vertu dans ce système. Une exploitation laitière compte 53 têtes en moyenne en France contre 400 en Europe du Nord ! La polémique sur la ferme des milles vaches résume bien le problème. Le secteur a au contraire besoin de se moderniser pour devenir plus productif, avec des productions standardisées plus efficaces, sans que cela se fasse au détriment de la qualité, ni des productions « niches » – bien au contraire.

On rend les agriculteurs dépendants avec un système d’aides qui, même s’il se réduit peu à peu du fait de l’esprit de réforme en Europe, est loin d’être tari : 8,7 milliards d’aides au secteur en 2015. C’est 45% de sa valeur ajoutée ! On dénombre 77 catégories d’aides sur le portail PAC du ministère. On se demande bien où est le libéralisme. Dans ce cadre, les exploitations suivent toujours la subvention plutôt que le consommateur, que cela soit pour les décisions d’installation ou de production pour les exploitations existantes : faut-il s’étonner que cela donne une catastrophe économique ?

En dépit d’une libéralisation très progressive au niveau européen mais sans les restructurations nécessaires du fait du système d’aides qui perdure même s’il se réduit, l’agriculture française est donc coincée entre deux systèmes : un contexte concurrentiel ouvert qui devrait pousser à la modernisation et un contexte de subventions et de réglementations qui pousse à la dépendance et aux rigidités.

Mais quel homme politique français aura le courage de dire tout cela ? Les déblocages de plans d’urgence répondent aux blocages des routes : on passe ainsi d’expédient en expédient, de demandes à ce que les distributeurs paient la viande plus cher ( !) à des baisses de cotisations sociales (sans changer le système). Bref, on bricole tout en se voilant la face.

Pour l’IREF, il est temps de faire un choix pour l’agriculture française : celui de l’entreprise et non plus de la quasi-administration. Rendons enfin leur dignité à nos agriculteurs.

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11 commentaires

St getorix 1 mars 2016 - 4:33

Compétitif c'est tout?
Vous dites:"productions standardisées plus efficaces, sans que cela se fasse au détriment de la qualité". Le risque est bien que la qualité n'ait pas d'autre choix que s'aligner sur le "moins disant" pour satisfaire le meilleur prix (bas évidemment compétitif). Il y a bien sûr à revoir sur l'actuel système, pas parfait. Néanmoins, serez vous rassuré d'ingurgiter du poulet chloré "compétitif", du lait issu de vaches cloîtrées ingurgitant du tourteau, du cochon en surpopulation, donc hypervacciné, le tout à prix compétitif, bien sûr?? La cuisine française doit aussi protéger ses produits sains. Le compétitif venu d'ailleurs a d'autres objectifs, n'est-ce pas? Alors faisons preuve d'imagination et de prudence.

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Grebrouille 1 mars 2016 - 5:17

Agriculture , activité économique
"Mais les mécanismes de mutualisation et d’assurance (non politisés)" Comment pouvez vous affirmer cela lorsque le président de la FNSEA est allé faire des excuses pour le comportement des agriculteurs lors de la visite du président au salon de l'agriculture.
Tous les domaines de l'économie française souffrent de l'immobilisme de notre gouvernement, de cette myriade d'élus qui pensent plus à la pérennité de leur poste qu'à la gestion de le FRANCE, du budget de l'Etat qui n'a pas de limite dans la gabegie, et ce depuis maintenant 40 ans, des dépenses outrancières de l'Europe, de la main mise de l'Europe et de l'Etat français sur les entreprises, les règlements, les contraintes administratives, réglementaires, sociales qui s'appliquent très durement à toute notre économie en créant et entretenant le chômage car ne s'appliquent pas de la même façon dans tous les pays d'Europe et encore moins dans le vaste espace de commerce mondialisé.
La tâche est donc rude, car il faudrait faire table rase de beaucoup de lois, règlements, organisations pour reconstruire un système favorisant la liberté, la concurrence loyale, l'initiative, la responsabilité, la reconnaissance du travail, du succès, tout en protégeant des abus des loups voraces qui rodent en permanence, sans se substituer aux vrais créateurs potentiels que sont les entreprises et tous les citoyens.

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Fred 1 mars 2016 - 5:47

Libéralisme de l'agriculture en France
Désolé les technocrates.
Libéralisme = glyphosate (herbicide cancérigène).
Nous ne sommes pas des fous, on en veut pas de votre poison.

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maxens 1 mars 2016 - 8:45

beaucoup de chose à dire
Il y a des vérités dans votre article, oui il faudrait libéraliser, qu'un agriculteur puisse se développer comme il veut, louer ou acheter des terres qu'un propriétaire acceptera de lui vendre ou de lui louer sans devoir demander une autorisation, exploiter des terres dont il est propriétaire comme il veut, augmenter la taille de son troupeau comme bon lui semble. Oui il y a de la volatilité en agriculture, alors il faudrait que lorsqu'il y a une bonne ou des bonnes années, l'Etat et les organismes sociaux arrêtent de tout siphonner, cela permettrait à l'agriculteur de faire face aux mauvaises années. Il faudrait aussi se battre à armes égales avec les concurrents mondiaux, avoir accès aux mêmes semences, éventuellement OGM, aux mêmes produits phytosanitaires pour protéger les plantes, que dans les autres pays qui exportent vers la France, c'est à dire à peu près tous, puisque l'Europe est la zone commerciale la moins protégé au monde, bref beaucoup de chemin et de remise en cause à faire accepter à l'opinion publique, alors en attendant ce jour de libération, pas le choix, il faut les aides PAC, et payer des satellites, puisque nos gouvernants considèrent que les agriculteurs sont des gros tricheurs et que les surfaces cadastrales sur lesquelles ils paient l'impôt sont fausses, seule les surfaces calculées par le satellite sont bonnes, et vous savez quoi, le satellite n'obtient jamais la même surface que le cadastre, il faudrait des lors revoir aussi l'administration du cadastre…..beaucoup de travail, mais cela génère beaucoup d'emploi public, payés indirectement grâce à la PAC et en ces temps de chômage de masse, c'est bon à prendre

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philjo 2 mars 2016 - 4:53

Avenir radieux
Si je comprend bien, vous voulez des exploitations à 400 vaches au lieu de 50, donc éliminer 80% des fermes actuelles.
Vous avez oublié d'expliquer quel sera l'avenir radieux des exploitants éliminés

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Janluk 2 mars 2016 - 7:05

Entonnoir
A l'interventionnisme étatique, à l'excès de charges sociales, aux contraintes agro-environnementales hystériques, à la dépendance des aides, s'ajoute aussi souvent un endettement excessif pour acheter le foncier (au lieu d'investir dans l'outil de production) à des bailleurs ne pouvant exploiter leurs propres terres et découragés par un prix du fermage réglementé rendant le portage du foncier sans intérêt. Ventes qui ne profitent qu'aux SAFER, agences immobilières monopolistiques qui s'engraissent grâce à leurs droits de préemption et de révision de prix, exorbitants du droit commun. Là aussi un peu de libéralisme favoriserait le maintien ou la venue d'investisseurs pour porter le foncier et nouer des relations contractuelles positives bailleur/preneur qui allégeraient les charges du preneur.

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Emmanuel Martin 2 mars 2016 - 8:55

Merci de vos commentaires
Merci de vos commentaires.
@St Gétorix: compétitivité ne signifie pas que des prix bas. La compétitivité hors prix est aussi cruciale. Et de ce point de vue si la qualité du produit importe aussi, la qualité du service est aussi primordiale (proximité, infos, transparence, traçabilité etc). On peut être compétitif sur une niche non standardisée.
@PhilJo. Une restructuration est effectivement inéluctable. 80% j'en doute. Encore une fois, il n'y a pas "un modèle" de stratégie d'entreprise. Il y a des niches. Et compétitivité ne veut pas dire uniquement taille, même si j'ai pris cet exemple.
Il faut un plan de transition pour ceux qui ne trouveraient pas leur voie de manière financièrement soutenable. Avec les milliards qui sont jetés par les fenêtres, on devrait trouver un moyen pour gérer leur transition vers une autre voie. Pas de réponse simple… ce qui ne veut pas dire devoir rester dans le statu quo.
@ Jenluk + Grebouille, bien d'accord avec vous.
@ Maxens, d'accord avec vous sur le début. Après le problème c'est que le statu quo peut toujours être justifié. Et qu'il faut aussi une réflexion sur comment améliorer les éléments que vous citez.

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Jean Michel 2 mars 2016 - 9:17

Pas surprenant !
Je découvre votre analyse avec intérêt et je l'approuve ayant eu de mon côté des remontées d'agriculteurs se plaignant de leur syndicat sangsue.Je constate que c'est un secteur de plus où l'intervention de l'ETAT a complètement faussé une évolution normale et progressive, sans compter, comme dans toute l'économie française le poids des charges et les lourdeurs administratives, mais ça c'est "de base" avec tous les gouvernements et tous les ministres que nous avons eu jusqu'à présent ! Je sais vers quels hommes politiques du P.L.D. il faut se tourner pour enfin espérer un changement de politique mais le plafond de verre des media ne facilite pas la diffusion de leurs idées ni leur connaissance par les citoyens par ailleurs formatés "aides et subventions"…On garde l'espoir d'y arriver avant que l'agriculture soit morte en France comme la médecine libérale qui disparaît progressivement au profit de soignants fonctionnaires et anonymes.

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J.M. Boussard 5 mars 2016 - 2:43

Cela dépend
Cela dépend de ce que vous entendez par « libéralisation ».
Si vous voulez dire par là qu’il faut libérer les agriculteurs des innombrables contraintes bureaucratiques auxquelles ils sont assujettis, alors, vous avez pleinement raison… Il doit être possible de faire respecter l’environnement et la santé des consommateurs sans ces contrôles tatillons et largement inutiles…
En revanche, si vous voulez dire qu’il faut laisser au marché la gestion des quantités produites, alors, je crois que vous vous trompez ! Le problème – il est largement documenté depuis que les conseillers de Franklin D. Roosevelt élaboraient l’Agricultural Adjustement Act des années 30 aux États-Unis – est que la demande de produits agricoles est « rigide », peu sensible aux prix, cependant que l’offre est nécessairement décalée dans le temps. Cela fait que les équilibres de marché, dans le domaine agro-alimentaire, sont structurellement instables, comme une bille à la pointe d'un crayon. Alors, les prix sont tantôt beaucoup plus faibles, que les coûts de production, tantôt beaucoup plus élevés. Ils ne sont jamais égaux au "coût marginal", qui est en principe la situation idéale du marché, celle qui maximise les avantages aussi bien des producteurs que des consommateurs. Pis, les prix libres qui flottent ainsi au grés des vents ne véhiculent plus de messages fiables sur les raretés relatives des différents produits.
On voit cela avec la crise du lait actuellement : on est parti pour la disparition d’un nombre énorme de producteurs… Je m’en moque, je ne suis pas producteur de lait ! Ils peuvent bien crever, ce n’est pas mon problème !…Sauf que… si tous les producteurs de lait crèvent ensemble, je n’aurai plus de lait ! et là, c’est un peu ennuyeux pour moi ! (j’ai peur que nous soyons partis pour le petit pot de yaourt à 5€ au lieu de 50 centimes…).
C’est pour cela que les conseillers de Roosevelt avaient recommandé de « couper les liens entre l’Agriculture et le marché ». C’était nécessaire pour lutter conte la crise, et aussi contre l’URSS. Maintenant il n’y a plus d’URSS, ce qui est bien dommage, car cet ennemi utile aidait beaucoup le monde libre à prendre de bonnes décisions… Sous cet angle, Daech n’est vraiment pas à la hauteur….

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J.M. Boussard 5 mars 2016 - 2:54

Cela dépend
Cela dépend de ce que vous entendez par «libéralisation ».
Si vous voulez dire par là qu’il faut libérer les agriculteurs des innombrables contraintes bureaucratiques auxquelles ils sont assujettis, alors, vous avez pleinement raison… Il doit être possible de respecter l’environnement et la santé des consommateurs sans ces contrôles tatillons et largement inutiles…
En revanche, si vous voulez dire qu’il faut laisser au marché la gestion des quantités produites, alors, je crois que vous vous trompez! Le problème – il est largement documenté depuis que les conseillers de Franklin D. Roosevelt élaboraient l’Agricultural Adjustement Act des années 1930 aux États-Unis – est que la demande de produits agricoles est « rigide », c'est à dire peu sensible aux prix, cependant que l’offre est nécessairement décalée dans le temps. Cela fait que les équilibres de marché, dans le domaine agro-alimentaire, sont structurellement instables, comme l'est une bille à la pointe d'un crayon (alors que les économistes naïfs croient qu'on revient toujours naturellement à l'équilibre, comme fait une bille au fond d'une tasse..). Dans ces conditions, les prix sont tantôt beaucoup plus faibles, que les coûts de production, tantôt beaucoup plus élevés. Ils ne sont jamais égaux au coût marginal, comme ils devraient l'être si le marché fonctionnait bien. Pis, les prix libres qui flottent ainsi au grés des vents ne véhiculent plus de messages fiables sur les raretés relatives des produits, comme ils sont censés le faire.
On voit cela avec la crise du lait actuellement : on est parti pour la disparition d’un nombre énorme de producteurs: je m’en moque, je ne suis pas producteur de lait ! Ils peuvent bien crever, ce n’est pas mon problème !…Sauf que… si tous les producteurs de lait crèvent ensemble, je n’aurai plus de lait ! et là, c’est un peu ennuyeux pour moi ! (j’ai peur que nous soyons partis pour le petit pot de yaourt à 5€ au lieu de 50 centimes dans un avenir proche…sauf si nous arrivons à empêcher les producteurs de lait de crever).
C’est pour cela que les conseillers de Roosevelt avaient recommandé de « couper les liens entre l’Agriculture et le marché ». C’était nécessaire pour lutter conte la crise, et aussi contre l’URSS. Maintenant il n’y a plus d’URSS, ce qui est bien dommage, car cet ennemi utile aidait beaucoup le monde libre à prendre de bonnes décisions… De ce point de vue, aujourd'hui, Daech n’est pas vraiment à la hauteur…

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Bernard ROLET 7 mars 2016 - 4:38

Du libéralisme en agriculture.
Le libéralisme n'est pas une doctrine permettant n'importe quelle initiative, éventuellement farfelue voire intrinsèquement nocive, dont les effets seront validés ou invalidés par les réactions du marché.

Il ne peut d'exercer que dans un contexte législatif et réglementaire très simple mais très strict qui définit le cadre dans lequel peut s'exercer librement l'initiative individuelle.

Un tel cadre respecte quelques principes universels mais doit comporter des dispositions propres au secteur d'activité concerné. Le cadre de l'agriculture et de l'élevage ne ressemblera donc pas aux cadres de la métallurgie, de l'électromécanique ni même à celui des activités industrielles agro-alimentaires.

Il n'y a donc pour moi, que l'expérience professionnelle a rendu libéral dans l'âme, aucun doute que la réussite des activités agricoles et d'élevage est le résultat d'une compétition entre acteurs s'exerçant sans un tel cadre, compétition dont les gagnants seront ceux qui aboutiront au meilleur compromis qualité-prix.

Notre pitoyable gouvernement a été capable d'embrouiller les esprits au point de transformer une compétition légitime en une guerre entre les différents acteurs de la filière complexe allant du producteur initial au consommateur final.

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