Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » Travailleurs détachés en Europe :

Travailleurs détachés en Europe :

par
104 vues

Bruxelles a proposé le 8 mars une modification de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés. La France et d’autres pays de l’Ouest se plaignent d’un « dumping social », tandis que les pays de l’Est plaident pour le maintien de la directive, au nom d’une concurrence légitime. Cette concurrence est salutaire, si elle fait prendre conscience aux Français que le vrai problème est celui du coût excessif de leur protection sociale.

Un phénomène important, mais minoritaire

Cela fait vingt ans que le débat sur les travailleurs détachés divise les Européens, concurrence déloyale pour les uns, conséquence de la libre circulation pour les autres. Il ne faut pas les confondre avec les travailleurs migrants, qui vont chercher un emploi dans un autre pays et y travaillent. Pour la directive européenne du 16 décembre 1996, « un travailleur est considéré comme détaché s’il travaille dans un Etat membre de l’UE parce que son employeur l’envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet Etat membre ». Il s’agit souvent d’une mission brève, quatre mois en moyenne.

C’est un phénomène à la fois important (1,92 million de personnes en 2014), mais minoritaire (0,7% de la population salariée européenne), avec une progression rapide (+ 45% entre 2010 et 2014). La France est deuxième (après l’Allemagne et avant la Belgique) en nombre de travailleurs détachés chez elle, 218 000 selon le ministère du travail, sans doute entre 300 000 et 400 000 en réalité. Ils viennent essentiellement de Pologne, mais aussi d’autres pays d’Europe Centrale et Orientale.

Le retour du plombier polonais ?

La directive de 1996 prévoit que le salaire et les conditions de travail relèvent du pays dans lequel le travailleur est détaché. Cela ne signifie pas que lui soient appliquées les conventions collectives, mais au moins les conditions minimales, comme le SMIC. Le point essentiel concerne les cotisations sociales, qui sont cette fois celles du pays d’origine ; cela permet de réduire le coût du travail, lorsque, comme en France, le poids des cotisations est beaucoup plus élevé que dans les pays de l’Est, d’où viennent l’essentiel de ces travailleurs.

Ce sont avant tout des pays d’Europe de l’Ouest, France en tête, qui contestent cette directive, défendue au contraire par les pays d’Europe de l’Est, qui y voient une opportunité pour leurs salariés et leurs entreprises et l’application du principe de libre circulation. La peur entretenue à l’Ouest contre le risque « d’invasion » et de « dumping social » rappelle les débats sur la directive Bolkestein et le « plombier polonais », au moment de la discussion sur le projet de constitution européenne en 2005. Comme à l’époque, les adversaires de ces mesures de libre circulation, les syndicats, les souverainistes, mais aussi d’autres courants, dénoncent la menace qui pèserait sur « notre modèle économique et social ».

A travail identique, salaire égal ?

Sous la pression de la France, de l’Allemagne ou de la Belgique, Bruxelles s’est saisi du dossier, à un moment où l’Europe a d’autres soucis, avec le BREXIT ou la crise migratoire. Marianne Thyssen, commissaire européen chargée de l’emploi et des affaires sociales, a proposé le 8 mars de faire évoluer la directive de 1996, autour du principe « à travail identique, salaire égal ». L’idée est d‘appliquer aux travailleurs détachés les conventions collectives du pays d’accueil, et plus seulement la législation minimale, par exemple les primes ou les indemnités diverses.

Les PME se trompent de combat

Pas question pour l’instant de toucher aux cotisations sociales, qui restent celles du pays d’origine (si le salarié reste détaché moins de deux ans). D’où la protestation des artisans et PME, qui dénoncent une concurrence déloyale, via un « dumping social ». On peut comprendre leur inquiétude, mais, dans leur protestation, ils se trompent de combat, le protectionnisme n’étant qu’une illusion dangereuse : ils devraient songer d’abord à innover et s’adapter pour offrir des prestations de qualité et en nombre suffisant (ce n’est pas par hasard qu’en 2005 le débat s’était symboliquement centré sur le plombier polonais, secteur où il n’est pas toujours simple de trouver un professionnel disponible !).

Le combat essentiel devrait porter sur le coût du travail en France, via notre système de protection sociale. La solution n’est pas dans un repli frileux sur soi, mais dans une adaptation face à un monde qui change. L’Etat providence est en faillite, notamment en France, avec les déficits des systèmes sociaux et le niveau insupportable des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques. Là est le véritable combat que devraient mener les artisans, les PME et tous les salariés, contre qui ce poids excessif joue. Le salut ne viendra pas de directives européenne, tiraillées entre l’Est et de l’Ouest, mais d’une réforme radicale de notre système de protection sociale, allant de pair avec la réforme du code du travail. Mais en France les mots de réforme et de concurrence mettent les corporatistes dans la rue, alors que la meilleure protection, c’est l’adaptation de notre système social.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

4 commentaires

Caro59 15 mars 2016 - 7:59

c'est du Dumping social
« Là est le véritable combat que devraient mener les artisans, les PME et tous les salariés, contre qui ce poids excessif joue. »
D’accord avec vous, mais j’ai manifesté en septembre 2015 contre le RSA et la pression fiscale des PME/PMI et autres professions indépendantes. La mobilisation ne fut pas à la hauteur des espérances de l’association « sauvons nos entreprises » organisatrice de cette journée. Ont-ils été reçus par un membre du gouvernement : NON ! ont-ils été entendus : NON !
J’ai une amie qui a une entreprise et qui est écœurée de voir sur des chantiers, qui lui passent sous le nez, des ouvriers des pays de l’Est. Elle jongle avec des charges bien trop lourdes et songe souvent à mettre la clef sous la porte. C’est facile de coucher sur le papier des « y a qu’à/il faut » ! gérez-vous une entreprise ? j’aimerais le savoir !ça n'est pas une concurrence salutaire c'est du nivellement vers le bas, comme tout ce que touche l'Europe. Comparons ce qui peut l'être, la directive Bolkestein est une casseuse d'entreprises !

Répondre
flen42 15 mars 2016 - 10:34

dumping ?
à Lyon des ouviers ne parlant pas français dorment à 4 dans une voiture devant le chantier.
il gagnent 500 e /mois

on est au delà du dumping , non ?
et vous voudriez qu'on crée des pme capables de concurrencer cela ?

arreter de nous prendre pour des idiots , merci !

Répondre
PP 16 mars 2016 - 12:18

C'est une chance !
Je suis entrepreneur dans le batiment et je considère la possibilité de faire travailler des salariés européens comme une chance.
Situé dans une région très rurale où il est très difficile de trouver de la main d'oeuvre qualifiée, je fais appel à une entreprise polonaise depuis plus de 10 ans en tant que sous-traitant sur certains chantiers.
Le coût pour mon entreprise est sensiblement le même que de faire travailler un sous-traitant français mais je vois la différence dans le comportement et la qualité du travail des salariés polonais ! Eux sont heureux de travailler et me remercient chaque fois que je les croise sur les chantiers. Ils sont devenus de vrais partenaires de mon entreprise et participent même aux pots de fin d'année ou de vacances.
Enfin cela était vrai jusqu'à ce qu'un inspecteur du travail décide que le temps de détachement annuel des salariés polonais était "excessif" et refuse les demandes de détachement depuis août 2015.
L'administration française se bat pour que les cotisations soient payées dans le pays de détachement dans le seul but d'alimenter le puit sans fond de notre système social en déliquescence.
Je suis même passé en correctionnelle suite à une dénonciation et à une enquête de gendarmerie de plus de 2 ans ! J'ai été relaxé car ils n'avaient rien contre moi et le ministère public a fini par se désister le jour de l'audience en cours d'appel… Minable !
Le vrai combat n'est pas d'empêcher les entreprises européennes d'envoyer leurs salariés travailler chez nous ou de leur mettre des barrières à l'entrée de notre marché mais plutôt de se battre contre un système destructeur et spoliateur qui appauvri les entreprises françaises et leurs salariés en créant un chômage de masse inacceptable pour une nation comme la France.
M. Naudet a raison sur ce point. Je suis plus partagé sur la notion d'innovation, certains métiers "traditionnels" étant difficilement sujet à l'innovation. Mais il est possible de s'adapter tout comme je l'ai fait en utilisant les directives européennes. Avec la limite de se voir contraint par l'administration de rentrer dans le rang… Les bonnes vieilles méthodes dignes de la Stasi !
Comme me l'a dit un inspecteur du travail : "je comprends que vous ayez du mal à embaucher mais vous connaissez le contexte politique… Il y a tout de même plus de 3 millions de chômeurs dans ce pays !"
La solution est peut-être bien de mettre la clef sous la porte et de les laisser creuser leur tombe !
WHO IS JOHN GALT ?

Répondre
liberal 19 mars 2016 - 3:52

le poids des charges sociales
Nous représentons 1% de la population mondiale mais 15% des prestations sociales mondiales!!!!
Quand l'excès de protection tue la protection!!!

Répondre