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RSA Jeunes : une mesure électoraliste aux effets ravageurs

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Manuel Valls souhaiterait instaurer un revenu minimum pour les moins de 25 ans dès 2018. Or, les jeunes n’ont pas besoin d’aides sociales mais de la flexibilité sur le marché du travail. C’est le cas en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse ou bien au Royaume-Uni où le taux de chômage des jeunes est beaucoup moins élevé qu’en France.

La remise du rapport du député Christophe Sirugue sur la réforme des minima sociaux auprès du Premier ministre, le 18 avril 2016, s’inscrit dans un mouvement qui s’amplifie depuis quelques mois autour de la promotion du revenu de base et de l’universalisation des minima sociaux. Le rapport préconise notamment d’ouvrir le RSA dès la majorité (et non plus à partir de 25 ans comme aujourd’hui), d’individualiser et d’automatiser le RSA et même de regrouper l’ensemble des minima sociaux autour d’une seule et même allocation – éventuellement complétée selon les cas par un complément d’insertion et par un complément de solidarité pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Des mesures reprises par Manuel Valls qui souhaite dans une publication sur Facebook que ce chantier soit mis en œuvre dès 2018. Mais pourquoi, au lieu de généraliser les mesures d’assistanat et la dépense sociale auprès des jeunes, le gouvernement ne s’inspire pas des pays étrangers en libéralisant le marché du travail, en généralisant l’apprentissage et en rénovant le système de formation professionnelle ?

Simplifier oui, généraliser non !

Il existe aujourd’hui une dizaine de minima sociaux, dont les principaux sont le RSA (revenu de solidarité active), l’ASS (allocation de solidarité spécifique), l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) et l’AAH (allocation adulte handicapé), pour un total de 4,8 millions de bénéficiaires. Ces prestations sociales sont conçues pour soutenir les personnes qui se trouvent dans une situation difficile passagère, comme les chômeurs en fin de droit ou les demandeurs d’asile, et ceux qui sont dans l’incapacité de travailler, comme les personnes handicapées ou les personnes âgées.

Le problème majeur du système actuel est effectivement l’imbroglio du système social, comme le souligne le rapport, car les règles d’attribution, de couplage des différentes allocations, et des modes de calcul des montants sont extrêmement complexes et diverses. La démarche de simplification du système en les combinant autour d’une même allocation globale aurait donc du sens. Mais la généralisation du RSA et l’augmentation des dépenses sociales va dans le sens contraire de la réforme à mener : il faut au contraire inciter au retour à l’emploi en limitant les aides sociales dans le temps. C’est en conditionnant l’accès aux prestations sociales et en limitant leur durée d’attribution que les Britanniques ont réussi à réduire le chômage, pas en les généralisant.

Des dépenses supplémentaires pour accroître le chômage et la dépendance des jeunes…

De plus, outre le coût total important de la mesure, évalué par la direction générale du Trésor à 6,6 Md € et par la DREES de 1,2 à 3,8 Md € (en fonction des modalités de calcul choisies), une telle mesure serait un mauvais signal envoyé à la jeunesse. Une nouvelle fois, au lieu de mettre en place les conditions de l’insertion des jeunes sur le marché du travail, on pense que la mise en place d’une nouvelle allocation est un moyen de réduire la pauvreté. Or la meilleure manière de réduire la pauvreté chez les jeunes, c’est de favoriser leur insertion dans l’emploi, pas d’octroyer une nouvelle allocation qui n’aura qu’un effet désincitatif.

De plus, il s’agirait d’un gaspillage considérable de ressources car de nombreux jeunes peuvent déjà financer leurs études par leurs parents, les bourses d’études, les diverses prestations existantes, ou un emploi à temps partiel ; d’autant qu’un RSA existe déjà pour les jeunes de 18-25 ans qui ont déjà travaillé. Enfin, la généralisation et l’amplification de l’assistance sociale amplifie les déséquilibres des comptes sociaux en accroissant la contribution relative du travail. Ce qui fait qu’un travailleur doit contribuer davantage au financement des prestations sociales redistributives, tandis que la France fait face à une diminution croissante du stock d’emplois et à une croissance démographique importante. La situation peut vite devenir insoutenable lorsqu’elle est combinée à l’explosion de la dépense sociale et au poids des prélèvements obligatoires.

Au Royaume-Uni, il existe 4 SMIC pour les jeunes (16-24 ans)

Le SMIC existe aussi au Royaume-Uni mais à la différence de la France, il est de plusieurs montants en fonction de l’âge. Pour les plus de 25 ans, c’est 7.20 livres sterling/heure ou 9.25 euros tandis que pour les moins de 25 ans, il existe quatre montants différents : 6.70 livres sterling/heure ou 8.60 euros pour les 21-24 ans, 5.30 livres sterling ou 6.80 euros pour les 18-20 ans, 3.87 livres sterling ou 4.97 euros pour les moins de 18 ans, et 3.30 livres sterling ou 4.24 euros pour les apprentis. Le taux de chômage des jeunes (18-24 ans) est de 12 % au Royaume-Uni, 2 fois moins élevé qu’en France.

S’inspirer du système d’apprentissage allemand et suisse

L’Allemagne a un taux d’insertion des jeunes de moins de 25 ans sur le marché de l’emploi qui est trois fois supérieur à celui de la France (7 % de chômage contre 25,9 % en 2015). La France se situe même dans la moyenne haute des pays de l’Union européenne en matière de chômage des jeunes (il est de 10,3 % au Danemark et de 11,2 % en Autriche ou aux Pays-Bas). Le chômage des jeunes se concentre notamment auprès des jeunes peu ou non qualifiés : 1 à 4 ans après la formation initiale on atteint 53 % de chômage chez les sans diplôme et titulaires de CEP ou brevets contre 11,5 % dans l’enseignement supérieur et 24,1 % pour les niveaux Bac, CAP et BEP. Au lieu de généraliser le RSA aux jeunes, le gouvernement devrait donc penser à des réformes profondes du marché du travail :

• La France pourrait s’inspirer notamment du système dual d’alternance qui existe en Allemagne, en Autriche ou encore en Suisse. L’Allemagne, où il n’y a pas d’aides sociales spécifiques pour les plus jeunes, compte environ 3 fois plus d’apprentis (1,5 million en Allemagne contre 400 000 en France), parce qu’elle a su développer un système de formation professionnelle et d’apprentissage où l’alternance est largement institutionnalisée, où les coûts de formation sont quasi-exclusivement financés par les entreprises et où les partenaires sociaux sont fortement impliqués dans le processus. Ce n’est donc pas par la dépense publique que l’apprentissage doit se développer (modèle choisi par les gouvernements français successifs), mais par une réforme du fonctionnement des centres de formation en leur redonnant un espace de forte autonomie et la capacité de développer des filières professionnelles davantage segmentées et indépendantes. Les grandes caractéristiques de l’apprentissage suisse sont la flexibilité (temps d’essai, liberté de contracter, résiliation d’un commun accord ou motivée possible à tout moment) et la rentabilité pour les entreprises (rémunération non réglementée, qui dépendra de la région, du secteur, de la taille de l’entreprise, etc.). D’ailleurs, la productivité des apprentis dans la formation professionnelle initiale dépasse les coûts bruts liés à leur formation. Ce n’est donc pas étonnant que plus de 40 % des entreprises suisses prennent des apprentis en formation.

Le salaire minimum pourrait être modulé en fonction de l’âge comme au Royaume-Uni, en permettant ainsi aux employeurs de réduire le coût du travail global lors de l’embauche de jeunes, ce qui les inciterait à embaucher davantage, notamment des jeunes peu ou non qualifiés. Les nouveaux entrants sur le marché du travail sont en effet caractérisés par un niveau de productivité horaire plus faible que les personnes qui ont déjà une expérience importante.

• Enfin, il est nécessaire de mettre en œuvre ces dispositions de la loi Travail qui permettent de mieux définir et d’élargir les critères de licenciement et de limiter les risques liés à l’embauche en plafonnant les indemnités prud’homales. L’important est de permettre aux employeurs de licencier facilement si le jeune n’est pas suffisamment productif, ou si la relation de travail se passe mal.

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1 commenter

Henri Royer 30 avril 2016 - 9:15

Financement des études des jeunes
Agé de 82 ans j'ai eu la chance d'avoir des parents qui ont financé mes études d'ingénieur.
Au prix de quels sacrifices ?.
Tous mes camarades qui devaient travailler, même a temps partiel, ont du abandonner avant d'obtenir leurs diplômes.
Sans compter que je suis parmi les riches qui paient 15 a 20 000 € par an. Largement de qui financer trois années d'allocation pour un jeune.

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