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Piketty : rétropédalage sur les inégalités ?

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Le débat entre économistes sur la portée des idées contenues dans le dernier ouvrage de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, aura été plus animé aux Etats-Unis qu’en France. Le livre en effet, est à l’origine d’une vive polémique sur la nature des inégalités, comme sur les politiques publiques à mettre en œuvre pour les corriger. De Paul Krugman à Larry Summers, en passant par Kenneth Rogoff et Daron Acemoglu, tous les plus grands noms actuels de la science économique ont encensé, ou au contraire critiqué, cet ouvrage !

Ceci est en contraste avec la France, où la plupart des médias et des intellectuels l’ont pris pour argent comptant, sans vraiment chercher à en faire une critique approfondie. Ce contraste est d’autant plus saisissant que le débat est loin d’être terminé Outre-Atlantique. Et il est même relancé par l’auteur du Capital au XXIe siècle, lui-même !

En effet, dans un article à paraître en mai prochain, dans la prestigieuse revue économique American Economic Review (AER), l’économiste français nuance ses propos et la portée de sa fameuse « inégalité » : r > g, où r représente le taux de rendement du capital et g le taux de la croissance économique. Selon Piketty, l’écart entre r et g « peut contribuer à expliquer pourquoi l’inégalité de la répartition des richesses était si extrême et persistante dans la plupart des sociétés avant la Première guerre mondiale. Ceci étant, la façon dont je perçois la relation entre r > g et les inégalités est souvent mal comprise dans les débats qui ont entouré la parution de mon livre. Par exemple, je ne conçois pas r > g comme l’outil principal pour appréhender les changements des inégalités de revenus et de richesse au vingtième siècle, ou permettant d’anticiper la manière dont les inégalités vont évoluer au vingt-et-unième siècle. Les changements institutionnels et les chocs politiques – qui peuvent être considérés comme endogènes à l’inégalité et au processus de développement lui-même – jouent et continueront de jouer un rôle majeur dans la distribution des revenus. »

En soi, r > g n’est pas un problème, nous dit Piketty. Par ailleurs, cette inégalité ne « nous apprend rien sur l’état de la distribution des revenus à un moment donné. Elle nous indique uniquement que la possession du capital permet à l’économie d’atteindre de plus hauts niveaux de consommation. »

Selon l’auteur, un écart plus important entre r et g, joue un rôle de multiplicateur au moment des phases de changements institutionnels et, ou, politiques. Bref, Piketty réintègre dans son analyse les apports de l’économie institutionnelle, développée dans les années 1980 et 1990. Et l’écart entre r et g influence le niveau et la persistance des inégalités en fonction des institutions en place. Mais cet écart n’est pas la force motrice qui engendre les inégalités. Piketty replace également son apport dans une perspective historique, et reconnait que les inégalités de richesses sont beaucoup moins importantes aujourd’hui qu’au début du XXe siècle.

Cet article de Piketty nous apparait comme un revirement, sans toutefois que l’auteur revienne sur ses conclusions concernant l’impôt progressif. Dans son ouvrage, l’interprétation qu’il donne à l’inégalité r > g n’est pas aussi nuancée. Dès l’introduction (p. 56 et 57), l’économiste pose les bases de sa démarche et esquisse l’importance de cette inégalité. « Résumons. Le processus d’accumulation et de répartition des patrimoines contient en lui-même des forces puissantes vers la divergence, ou tout du moins vers un niveau d’inégalité extrêmement élevé. » Cependant, il attribue un rôle fondamental à r > g, comme étant la « principale force de divergence dans notre schéma explicatif (…). »

De là à ce que Piketty revienne sur ses recommandations en matière de fiscalité, il y a encore du chemin… Cependant, le vif débat, qui a eu lieu aux Etats-Unis autour de son ouvrage, montre que son livre n’aura pas été critiqué en vain et qu’un revirement est toujours possible.

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