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Oxfam et la « facture des autres »

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« Comment réagiriez-vous si vous deviez payer pour quelque chose que vous n’avez pas commandé ? ». Ainsi débute la vidéo de la nouvelle campagne d’Oxfam, association militante plutôt classée à gauche. On y voit ensuite des clients d’un bar au moment de payer la note. Chacun d’eux s’interroge d’abord car la note est visiblement salée. Devant leurs interrogations le patron du bar leur explique qu’un client n’a pas payé et que c’est à eux de régler à sa place. Réaction évidente des clients : la colère, ils ne veulent pas régler pour un client qui n’a pas payé ! Morale de l’histoire selon Oxfam : faisons payer les multinationales qui ne paient pas assez d’impôts. Nul doute que l’idée de scénarisation est efficace… au premier abord.

Car des entreprises qui paient moins d’impôts, à supposer que cela soit le cas, ce sont au final des produits moins chers pour nous en tant que consommateurs. L’idéologie qui vise à « faire cracher » aux entreprises taxes et impôts oublie en effet un peu vite que c’est toujours le consommateur qui paie la note. Et d’ailleurs à vouloir trop « faire cracher » les entreprises, c’est en réalité les chômeurs qui trinquent. La première partie du quinquennat Hollande, fondée sur des politiques tout « oxfamiennes », en témoigne.

Faut-il donc se lamenter que des entreprises multinationales arrivent à payer moins d’impôts ? Au risque de choquer, la question n’est pas si évidente justement quand on garde en tête les éléments précédents. Mais plus globalement, il est nécessaire de se poser la question de fond de la légitimité éthique et économique de l’imposition des bénéfices des entreprises, comme l’ont fait dans une étude récente de l’IREF Pierre Bessard et Fabio Cappelletti.

Si Oxfam se préoccupait réellement de notre argent c’est une autre vidéo qu’ils auraient dû faire. Car le thème de la « facture des autres », voilà qui a du potentiel, et notamment en France !

La lutte pour la transparence devrait ainsi commencer du côté de la dépense publique. Avant de parler d’évasion fiscale, un sujet prioritaire devrait être celui de l’évasion budgétaire : tous ces milliards d’argent durement gagnés par les contribuables et qui, du fait d’une incapacité structurelle de notre démocratie à gérer l’argent public, finissent par s’évaporer en gaspillages et en rentes indues : autant de dépenses constituant « quelque chose que nous n’avons pas commandé » en tant que citoyens-contribuables. Parlement « spectateur » qui ne joue pas son rôle de contrôleur du fait de toute une série de conflits d’intérêt et d’inefficacités institutionnalisées, sympathique Cour des comptes qui n’a pas de pouvoir : le contribuable n’est pas protégé, il doit régler la « facture des autres ». Mais le sait-il ?

Car il y a un autre aspect absolument crucial au bon fonctionnement de nos démocraties qui est systématiquement passé à la trappe dans ce genre de campagne (et pas que dans des vidéos d’une minute évidemment succinctes). C’est qu’en réalité, tous ces « factures des autres » nous sont cachées. À la différence des clients du bar pour qui la note du voisin est soudain très visible et va faire mal de manière directe, ce sont, dans notre monde réel, des « petits bouts » de « factures des autres » qui nous sont imposés. Ces taxes qui sont toujours plus camouflées, voilà qui nous empêche de voir la « facture des autres » que les décideurs politiques nous imposent.

Comme le rappelait un article de l’IREF en début d’année et repris dans le Figaro magazine, à la pompe c’était entre 200 et 250% de taxation sur le prix HT du Super dont le consommateur devait s’acquitter… sans le savoir puisque la TICPE (taxe intérieure sur les produits énergétiques), qui constitue le gros du prélèvement fiscal, ne figure pas sur le ticket. Même problème avec le prélèvement à la source d’ailleurs : sous les oripeaux de la « simplification » on a fait passer la pilule d’un système qui sera d’une incroyable complexité pour les entreprises, et qui cachera toujours plus aux citoyens le vrai coût de l’État. Il permettra aux hommes politiques de faire passer toujours plus en douce la « facture des autres » (comme par exemple la « facture Alstom »…).

La démocratie est une sorte de contrat : impôts contre services publics. Si la partie « impôts » nous est toujours plus cachée, comment évaluer nos services publics ? Comment, tout simplement, évaluer notre démocratie ? Voilà une belle idée de campagne.

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