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L’illusion de la reprise économique

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La satisfaction du gouvernement était grande, ce 13 novembre, juste avant les tragiques événements de la soirée : le Conseil des ministres commentait les « bons chiffres » publiés le jour même par l’INSEE : 0,3% de croissance du PIB au troisième trimestre. La réalité est différente ; la croissance est illusoire, faible, fragile ; elle n’est soutenue par aucune réforme véritable ; et l’annonce par le Président de la République, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 16 novembre, que désormais « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité » implique une nouvelle dérive des comptes publics, toujours préjudiciable à notre économie.

Une reprise faible et incertaine

Tout commence par le bilan de conjoncture publié par l’INSEE le 13 novembre : le PIB est en hausse de 0,3% au troisième trimestre 2015. Est-ce beaucoup ? En termes annuels, c’est un rythme de 1,2%, pas de quoi crier au miracle. Mais les résultats d’un trimestre sont insuffisants pour analyser une conjoncture. Au premier trimestre, le PIB avait augment beaucoup plus vite, de 0,7% : les ministres annonçaient alors le retour de la croissance. Hélas, coup de froid au second trimestre : croissance nulle : 0%. Il ne faut donc jamais se focaliser sur un chiffre, mais le remettre en perspective, car la conjoncture à court terme fait souvent du yoyo : le quatrième trimestre peut fort bien se traduire par une nouvelle rechute.

Le Conseil des ministres fait état d’une croissance « acquise » de 1,1% pour 2015 ; mais l’Union européenne devrait être à 1,9% et la zone euro à 1,6% ; c’est mieux qu’en France, même si cela reste médiocre. D’autres s’en sortiront mieux : 2,5% au Royaume-Uni, 3,1% en Espagne, 3,5% en Pologne, 6% en Irlande, sans parler des pays extra-européens. Le gouvernement insiste sur les « moteurs » de la croissance, conception keynésienne qui fait des éléments de la demande, et notamment de la consommation, l’explication de la croissance, négligeant radicalement ce qui concerne l’offre, et donc les entreprises et les entrepreneurs.

Faible investissement et chômage en hausse

L’investissement productif est un élément important, mais moins comme moteur de la demande que comme indication de la volonté des entrepreneurs et des capacités de production à venir. Certes, l’investissement des entreprises non financières progresse un peu : 0,8% au premier trimestre, 0,5% au second, 0,7% au troisième. Petite progression, s’expliquant par la légère amélioration des marges des entreprises, mais cette marge était si faible que l’amélioration relative nous laisse parmi les mauvais élèves, avec 31,1% au second trimestre 2015 contre 29,4 % en 2014 ; mais on était à 33,5% en 2007.

En ce qui concerne l’emploi, le gouvernement se félicite que 50 000 emplois marchands aient été créés en un an, permettant de « stabiliser le chômage ». Stabilisation toute relative, puisque le nombre de demandeurs d’emplois continue à augmenter sur les douze derniers mois de 3,1% (catégorie A) et même de 11,4% (catégories B et C). Mais comment se réjouir d’un taux de chômage de 10,5%, quand l’Allemagne est à 4,5%, le Royaume-Uni à 5,4% et les Etats-Unis à 5% ?

Défiscaliser et déréguler

Faut-il s’étonner de ce que la croissance soit si faible et si fragile ? Les petits progrès, par exemple des marges et des investissements, s’expliquent par les rares réformettes, comme le CICE. Mais peut-on parler de réformes et d’incitation à la croissance, dans un pays où les dépenses publiques atteignent 57% du PIB et les prélèvements obligatoires de près de 45% : des taux parmi les plus élevés au monde. L’IREF a souvent souligné l’importance de l’impôt sur les sociétés et la concentration de l’impôt sur le revenu sur les ménages les plus entreprenants et productifs. Or, en matière de croissance, l’essentiel réside dans les incitations à créer, entreprendre, investir, travailler, et il est évident que plus les taux d’imposition sont élevés, plus il y a une désincitation à produire et entreprendre. Il n’y aura aucune reprise durable sans baisse massive des prélèvements et de leur progressivité. Cela ne suffit pas : il faut aussi laisser agir les entrepreneurs et pour cela libérer les prix, rétablir la liberté du marché du travail, en finir avec un droit social paralysant et des rigidités administratives omniprésentes. En deux mots : défiscaliser et déréguler.

« Le Pacte de Sécurité l’emporte sur le Pacte de Stabilité »

Les derniers événements vont encore plomber la croissance. Comment financer les nécessaires mesures régaliennes liées à la sécurité ? Le Président Hollande a été clair : « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité ». Donc, on ne touchera pas aux autres dépenses publiques, et déficits et endettement vont encore progresser. Il parait que Bruxelles « comprend » et lâche du lest. Mais le problème n’est pas là. La question a été expliquée ici même la semaine dernière par Jean-Philippe Delsol : l’Etat doit se recentrer sur ses missions régaliennes (sécurité, défense, justice), qu’il n’assure plus efficacement, et pour cela il doit massivement réduire ses autres dépenses : « La liberté a besoin de sécurité, pour le reste elle se débrouillera » résumait Jean-Philippe Delsol.

Le gouvernement préfère garder l’Etat providence et laisser filer les déficits. Cela continuera à brider la croissance, et demain, quand les taux d’intérêt repartiront à la hausse et que la charge de la dette explosera, on nous expliquera qu’il faut, pour financer cela, augmenter encore les impôts. Ce jour-là, la croissance aura définitivement disparu en France, faute d’avoir diminué massivement nos dépenses non régaliennes. François Hollande aurait dû se souvenir de la lettre du Turgot à Louis XVI : « Point de banqueroute, point d’augmentation d’impôts, point d’emprunts. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen, c’est de réduire la dépense au-dessous de la recette, et assez au-dessous pour pouvoir rembourser nos dettes anciennes. Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’Etat à la banqueroute. (…)Votre majesté sait qu’un des plus grands obstacles à l’économie est la multitude des demandes dont elle est continuellement assaillie. ». Tout est dit et le « premier coup de canon » est déjà là.

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