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Fonctionnaires : en France, primes de présence, et ailleurs, primes de résultats

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En cette période de rentrée, on reparle du sujet de l’absentéisme au travail et plus particulièrement de l’absentéisme dans la fonction publique.

En effet dans le secteur public en France, le taux d’absentéisme est important, de 11% en moyenne contre 2,9% au Royaume-Uni (2013) et 2,16% en Espagne (2012). Il atteint des résultats considérables dans certaines régions, tel le Nord-Pas-de-Calais où les fonctionnaires dans les collectivités territoriales s’absentent jusqu’à 1 mois par an, en plus de leurs congés ordinaires dont la durée est pourtant déjà élevée ! En effet la France compte 36 jours de congés (congés payés et jours fériés) contre 28 aux Pays-Bas et 29 en Allemagne.

Pour lutter contre l’absence au travail certaines communes ou groupement de communes ont mis en place un système de « prime de présentéisme » pour récompenser les agents qui voulaient bien venir travailler. C’est le cas de la commune de Florensac dans l’Hérault qui récompense ses agents (48) à hauteur de 600 euros par an soit 28 800 euros déboursés en plus. La CAHM (Communauté d’Agglomérations Hérault Méditerranée) a mis en place une prime s’élevant globalement à 116 000 euros par an.
Non seulement ce type de prime paraît absurde, mais également mal venu dans un contexte de restriction budgétaire où l’Etat diminue de plus en plus ses dotations aux collectivités territoriales. Par exemple entre 2011 et 2014 les dotations de l’Etat pour la CA Hérault Méditerranée ont diminué de 7,2%.

Dans un autre style mais toujours dans le même but, la ville de Cran-Gevrier en Haute-Savoie (74) a financé à hauteur de 39 000€ une formation pour ses employés afin de lutter contre l’absentéisme. Le but de cette formation est d’enseigner les bonnes postures de travail pour diminuer la pénibilité du travail. Les employés de la ville limitent ainsi le risque d’arrêts maladie et donc d’absences.

Il est pour le moins étonnant, dans un pays où le chômage dépasse 10,5% et où la création d’emplois privés stagne, de voir les collectivités locales s’endetter pour que leurs employés veuillent bien venir travailler. D’autant plus qu’il est urgent de réduire les dépenses publiques afin de ramener une situation budgétaire à l’équilibre. Rappelons que selon les chiffres officiels la dette de l’Etat est de 2089,4 milliards d’euros à la fin du 1er trimestre de 2015 soit 97,5% du PIB. L’Etat a déjà commencé à restreindre le budget alloué aux collectivités locales, comment vont-elles dès lors financer ce genre de prime ? En augmentant les impôts locaux des contribuables ?
Notons également que le système de rémunération de la masse salariale de l’Etat comprend déjà une large gamme de primes dont la Cour des Comptes a souligné la complexité dans son rapport publié le 9 Septembre 2015 : « La rémunération des agents se caractérise par un foisonnement de primes et d’indemnités, dont le poids augmente avec le traitement indiciaire, ce qui engendre des coûts de gestion, nuit à la mobilité des agents, et perpétue l’hétérogénéité entre corps ou ministères ».

La Cour des Comptes indique clairement qu’un remaniement des primes est nécessaire et pointe certaines primes en particulier jugées désuètes : « le réexamen de certaines primes et indemnités anciennes, peu incitatives et inadaptées au contexte actuel pourrait dégager des marges de manœuvre significatives. »

La réforme de la fonction publique souhaitée par Emmanuel Macron pourrait être l’occasion de modifier le système de rémunération des fonctionnaires en même temps que leur statut.

Prime au mérite et statut : même l’Italie l’a fait

En Italie, seulement 15% des agents publics ont un statut de « fonctionnaires » (statut maintenu pour garantir l’indépendance des agents), les autres étant soumis au droit commun. Cette « privatisation » du secteur italien a commencé dès le début des années 90 quand le gouvernement Ciampi a étendu le droit du travail à une partie des fonctionnaires et a établi des conventions collectives pour négocier les salaires. Ainsi les salaires ne sont plus augmentés automatiquement et une place plus grande est accordée à la performance de l’agent. Cette volonté d’introduire un système méritocratique que l’on retrouve dans le secteur privé devrait guider le gouvernement français. Une tentative avait été faite sous la présidence de Nicolas Sarkozy quand la prime au mérite individuelle avait été mise en place pour les fonctionnaires. Prime supprimée par la Ministre de la décentralisation et de la Fonction Publique, Marylise Lebranchu, au profit d’une autre prime individuelle, mais ne fixant pas d’objectifs.

En Italie la rémunération selon la performance est devenue la norme et avec elle l’évaluation des administrations par une commission indépendante qui veille également à la transparence et l’intégrité de celles-ci. La commission évalue en fonction des performances et établit un classement des administrations. Il y aussi un classement des employés et il existe des primes monétaires mais également non monétaires afin de motiver les agents et de les rendre plus performants. Des mesures sévères sont mises en place, notamment pour éviter l’absentéisme des agents, et même si les licenciements restent rares, il est possible pour un agent d’être rétrogradé. Le secteur public italien continue d’évoluer avec Matteo Renzi et il se modernise : pour simplifier les procédures administratives, le gouvernement veut utiliser les moyens de communication modernes comme les SMS pour régler des factures. Renzi ne se contente pas de redonner un coup de jeune, il planifie également la suppression et le regroupement d’administrations pour faire des économies et améliorer l’efficacité du service public italien.

Modernisation et suppression, voilà deux chemins que le gouvernement devrait prendre afin de mener une vraie réforme de la fonction publique. Simplifier et réguler la rémunération des salaires. Eviter le foisonnement de primes, notamment celle dite « de présence » complètement absurde, et développer un modèle de méritocratie comme en Italie ou dans le secteur privé afin de récompenser les agents les plus productifs. Diminuer le nombre de fonctionnaires, comme dans les pays voisins, est également une mesure incontournable dans le contexte de restrictions budgétaires, pas seulement en ne renouvelant pas les départs à la retraite mais également en modifiant le statut afin de pouvoir licencier. Changer le statut des fonctionnaires serait une composante majeure d’une éventuelle réforme afin de rendre les agents plus productifs en les soumettant au droit commun et permettre le licenciement des agents les moins productifs.

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3 commentaires

bySergio 6 octobre 2015 - 6:57

performance des administrations
Evaluer et classer les administrations en France, c'est mission impossible en l'état. Il faudrait – pour faire cette évaluation – que les objectifs, les processus soient définis et quantifiés.
Un reengineering comme l'on fait les USA (sous Clinton) et plus récemment au Royaume-Uni où tous les services publics ont été "normés". Travail considérable qu ia commencé en 2012.

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Royer 6 octobre 2015 - 10:11

absentéisme
Il était indispensable de supprimer le délais de carence instauré par le précédent Président…..

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jean michel 14 janvier 2016 - 10:16

Ne vous tromper pas de cible
Votre constat est juste sur l'absentéisme dans les collectivités territoriales. Mais votre critique sur le choix des maires l'est moins. Que vous puissiez critiquer l'état, je le conçois, mais les communes me surprends. Que peuvent-elles faire face à l'absentéisme? Vous parlez de prime au mérite, mais une personne malade a t'elle déméritée? Demandez l'avis des médecins qui mettent les arrêts de travail.
La prime de présence est une option qui permet d'apporter une motivation à venir au travail et également à aider les agents aux salaires les plus bas. C'est donc une valorisation du travail.
Je pense également que la mise en place d'un délai de carence comme dans le privé est une bonne chose. N'oublions que le plus perturbant c'est bien les petits arrêts qui nécessitent la mise en place immédiate de remplacements au pied levé qui coûtent très cher tant par le personnel remplaçant que le temps passé par le responsable à mettre en place le remplacement.

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