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Brexit : pourquoi le Royaume-Uni doit rester dans l’UE

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À quelques jours du référendum britannique sur le maintien du Royaume-Uni (RU) dans l’Union européenne (UE), qui se tiendra le 23 juin prochain, les électeurs britanniques semblent pencher majoritairement pour le Brexit selon plusieurs sondages, même si le match s’annonce serré. Pourtant, même s’ils pourraient se libérer du fardeau réglementaire et des politiques d’harmonisation fiscale, la sortie du Royaume-Uni de l’UE pourrait avoir des conséquences dramatiques à la fois pour l’économie britannique mais aussi pour l’économie européenne et mondiale : d’ici à 2020, le PIB britannique pourrait être moins élevé de 70 Md€ à 125 Md€, et l’emploi total pourrait être inférieur de 350 000 à 600 000 personnes, en fonction des différents scénarios de sortie étudiés.

Les avantages d’une sortie de l’UE

La sortie de l’UE pourrait avoir quelques avantages :

1) La fin du fardeau réglementaire et de l’harmonisation fiscale. L’UE impose de nombreuses normes, parfois absurdes et impraticables, sur les entreprises européennes (exigences de sécurité, de santé, d’hygiène ou règles d’harmonisation des produits pour faciliter les échanges commerciaux). Mais il n’est pas certain que le fardeau réglementaire global baisserait en cas de Brexit car la législation nationale viendrait remplacer la législation européenne, ce qui pourrait diminuer les débouchés pour les biens et services des entreprises britanniques. Toutefois, la fin de l’harmonisation fiscale pourrait permettre au Royaume-Uni d’être concurrentiel sur le plan fiscal même si l’harmonisation reste en fait limitée à la lutte contre la fraude fiscale, l’évitement de la double imposition des entreprises avec des filiales dans plusieurs États-membres, la TVA et la fiscalité sur l’épargne.

2) L’arrêt de la contribution nette à l’UE. Malgré son statut de 5ème puissance mondiale, le Royaume-Uni n’est que le quatrième contributeur au budget de l’UE, derrière l’Allemagne, la France et l’Italie, avec un versement de 11,3 Md€ en 2014 (grâce au rabais obtenu par Margaret Thatcher en 1984, de 6 Md€), soit moins de 10% des contributions totales des États-membres au budget de l’UE (116,5 Md€). Ainsi, le solde budgétaire, c’est-à-dire la différence entre les contributions et les recettes perçues, est de -0,23% par rapport au revenu national brut (RNB), ce qui est toutefois moins que l’Allemagne ou que la France. Cela signifie que le Royaume-Uni dépense plus qu’il ne reçoit, mais que le pays est loin d’être le plus grand perdant en Europe. Si toutefois il décidait de négocier un accord similaire avec l’UE à celui de la Norvège en cas de Brexit, une contribution nette au financement de programmes européens serait exigée en contrepartie de l’accès au marché commun européen et cette contribution ne serait inférieure que de… 9% à peine. Au surplus d’autres coûts fiscaux pèseront sur les contribuables britanniques, entreprises et particuliers, qui perdront la neutralité fiscale des échanges intra européens.

Les risques d’une sortie de l’UE

Les risques de la sortie de l’UE sont toutefois beaucoup plus nombreux :

1) L’incertitude politique et économique. En retrouvant une autonomie et une souveraineté totale en matière budgétaire, législative et de contrôle des flux migratoires, le RU se trouverait toutefois dans des relations extrêmement tendues avec les institutions européennes. Le partenariat européo-britannique serait au point mort, la politique britannique pourrait répondre aux sirènes du protectionnisme et du dirigisme en fonction du résultat des élections (par exemple en cas de victoire de l’UKIP ou du Labour), et le pays pourrait se retrouver isolé et plus solitaire que jamais sur la scène internationale.

2) Le retour à une politique d’immigration restrictive. Selon une étude[[Christian Dustmann, Tommaso Frattini, « The Fiscal Effects of Immigration to the UK », Centre for Research and Analysis of Migration, Discussion Paper Series, CDP n° 22/13, novembre 2013.]], l’immigration est bénéfique au Royaume-Uni puisque les immigrés européens contribuent 34% de plus en matière fiscale que ce qu’ils coûtent à l’administration fiscale européenne.

3) L’incertitude liée aux alternatives commerciales pour le RU. Plus de la moitié des échanges commerciaux britanniques se font avec d’autres pays membres de l’UE (environ 55% selon Eurostat), ce qui est un fait relativement nouveau dans l’histoire britannique puisque jusqu’à la fin des années 70, l’essentiel du commerce britannique se faisait avec les États-Unis et les pays du Commonwealth, les anciennes colonies britanniques avec qui ils ont gardé d’importantes relations commerciales. En cas de sortie de l’UE, les Britanniques auront plusieurs options avec des effets assez incertains sur les perspectives d’échanges commerciaux avec l’UE : ils peuvent renégocier un accord bilatéral avec l’UE (comme pour la Suisse, la Turquie ou le Canada), se rattacher à l’Espace économique européen (EEE) comme la Norvège, l’Islande ou le Liechtenstein, ou bien rester sans accord commercial en se limitant aux règles définies par l’Organisation mondiale du commerce. Les tensions liées à un éventuel Brexit pourraient déboucher sur la troisième solution, qui entraînerait sans doute une baisse importante des exportations britanniques vers l’UE, et une baisse globale du commerce européen et international.

4) Les risques sur la croissance et les emplois. Selon une étude de PWC de mars 2016, le PIB britannique pourrait être entre 3% et 5,5% plus faible d’ici 2020 selon les deux scénarios étudiés en cas de sortie de l’UE[[PWC a étudié un premier scénario où le Royaume-Uni négocierait un accord bilatéral de libre-échange avec l’UE dont l’incertitude post-référendum serait résolue d’ici à 2021, et un second scénario où les négociations commerciales seraient plus difficiles avec l’UE, et où les règles commerciales de l’Organisation mondiale du commerce seraient alors appliquées entre les territoires.]]. Cela représenterait une perte comprise entre 55 et 100 Md£ (entre 70 Md€ et 125 Md€) d’ici 2020. Ils estiment également que le PIB / habitant pourrait être entre 0,8% et 2,7% moins élevé d’ici 2030, et que sur le court terme, cela pourrait avoisiner une perte de 2 100£ à 3 700£ (2 645€ à 4 600€) par ménage d’ici à 2020. En matière d’emploi total, PWC estime que sur le court terme (d’ici à 2020), le niveau d’emploi serait réduit de 1,7% à 2,9% par rapport à un maintien dans l’UE, tandis que sur un plus long terme (d’ici à 2030), l’emploi total britannique serait moins élevé de 350 000 à 600 000 personnes, soit une réduction comprise entre 1% et 1,8%. Si les incertitudes sont nombreuses, il est clair que la sortie du marché unique européen aurait des conséquences néfastes à court et moyen terme sur l’économie britannique et pour l’économie européenne, à cause de la réduction très probable du commerce international entre les partenaires.

Une position prudente pour un électeur britannique pourrait donc être de voter pour le maintien dans l’UE. Une sortie de l’UE pourrait avoir des conséquences néfastes pour l’économie britannique, pour l’économie continentale et donc par extension pour l’économie mondiale. Elle ne ferait que créer de l’incertitude pour les entreprises, les salariés et les marchés financiers, sans n’apporter aucun avantage réel en matière de baisse de la pression fiscale, de la réglementation ou de l’intervention étatique. Ne serait-il pas plus avantageux de profiter du scrutin pour repenser la politique européenne et concentrer les efforts sur la défense du marché unique et des quatre libertés et la collaboration militaire, diplomatique et stratégique entre pays amis ? L’UE doit se réformer de l’intérieur, abandonner l’harmonisation fiscale et l’hyper-réglementation bureaucratique : ce référendum en est l’occasion parfaite. Pour la France et pour l’Europe, le meilleur scénario est sans doute que le Royaume Uni reste dans l’Union mais fasse pression pour redessiner le contour des pouvoirs de l’Europe et rétablir une vraie subsidiarité laissant aux pays de l’Union les pouvoirs qu’ils peuvent assumer seuls. Moins d’Europe avec le Royaume Uni vaudra mieux que plus d’Europe sans lui.

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5 commentaires

Emmanuel 21 juin 2016 - 1:39

Incertitudes, risques etc…
"Plus de la moitié des échanges commerciaux britanniques se font avec d’autres pays membres de l’UE" "(environ 55% selon Eurostat)"

Je me demande si l'auteur ne tient pas ses jumelles à l'envers.

En effet, ne faudrait-il pas dire que ce sont les membres de l'UE (essentiellement l'Allemagne et la France) pour lesquels le Royaume-Uni est un très (très) gros client…

Je n'ai jamais vu un fournisseur mettre le couteau sur la gorge de son client. A fortiori un gros client. Alors, les incertitudes, très franchement, je ne les comprend pas.

Quant à l'immigration, il n'a jamais été question de limiter celle d'origine européenne.

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Marc Lassort 22 juin 2016 - 4:10

Actuellement, l'UE est avant tout une vaste zone de libre-échange. Une sortie de l'UE d'un de ses pays membres ne pourrait se traduire que par un recul du commerce, au moins pendant une période donnée (le temps de la négociation de nouveaux accords commerciaux). Mais il est certain que cela sera désavantageux à la fois pour le RU et pour les pays de l'UE puisque cela signifie revenir à des frontières, des droits de douane, des barrières non tarifaires, etc. Pourquoi croyez-vous que la plupart des entreprises sont opposées au Brexit ? Une sortie de l'UE leur serait pénalisante et tout nouvel accord commercial sera forcément moins-disant par rapport à la situation actuelle qui garantit une circulation fluide des marchandises.

D'ailleurs, la quasi-totalité des banques, des grandes institutions financières, des grandes entreprises, des think tanks et des experts spécialisés en économie internationale, sont d'accord pour dire que le Brexit aura un impact négatif sur la croissance économique, le niveau du commerce international et sur le niveau d'emplois. Les marchés financiers y sont également très opposés, et leur analyse des risques économiques et financiers est souvent correcte.

Pourtant, je ne suis pas pro-UE par principe. L'UE est aussi une machine à créer de nouvelles réglementations et des contraintes pour les entreprises. Il faut rester vigilants avec l'UE et la pousser à se cantonner à son rôle de zone de libre-échange. Mais dans l'état actuel des choses, le Brexit serait à mon avis une mauvaise solution à la fois pour le RU et pour tous les pays de l'UE.

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theano 21 juin 2016 - 5:53

OUT
Dans les risques d'une sortie de la Grande Bretagne de l'UE, vous avez oublié les invasions de criquets migrateurs et de fourmis légionnaires. J'espère que nos amis Britanniques voteront pour une sortie de l'UE, et que mes compatriotes les suivront dans cette voie. L'UE, telle qu'elle nous a été imposée (par voie parlementaire alors que nous l'avions refusée par référendum), nous mène droit dans le mur.

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brandenburg 21 juin 2016 - 7:10

Foutez la paix aux anglais!
Mêlez-vous de ce qui vous regarde,vous les faillis!

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cendu 21 juin 2016 - 7:59

Article UE correct, commentaires populations correct
J'adhère à 400% aux commentaires d'Emmanuel et de theano.
J'ajoute que le risque n'est pas pour les échanges commerciaux et que la terre continuera à tourner même en cas de Brexit.
Par contre je conçois qu'un Brexit effraye l'UE (qui n'a à voir avec l'Europe des pays que le nom) car cela confirmera qu'un pays européen se porte mieux à tout point de vue (culturel, économique, valeurs, etc.) hors UE et que l'exemple a des chances d'être suivi.
Je comprends les britanniques (nous n'avons jamais voulu de cette "Europe" nous non plus) et suis évidemment pour le Brexit à tout point de vue, en attendant de faire une Europe qui respectera chaque pays et population.

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