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Apprentissage : ce n’est pas à l’Etat de s’en occuper !

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Le Gouvernement vient d’annoncer de nouvelles mesures en faveur de l’apprentissage. Une aide de 1 000 euros sera attribuée à tout employeur qui embauchera un premier apprenti. En réalité, on ne fait qu’accorder, en partie, l’aide aux apprentis qui a été supprimée en juin 2013 ! Bel exemple de cohérence gouvernementale. A cela s’ajoutent les 200 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’apprentissage. Enfin, l’Etat s’engage ainsi à recruter près de 10 000 apprentis par an dans la fonction publique (au lieu de 700 actuellement). Des mesures inutiles et coûteuses qui n’apporteront rien à un système qui aurait besoin, justement, de se libérer de l’emprise de l’Etat et d’être géré uniquement par les entreprises comme c’est le cas en Allemagne.

En moyenne, 120 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme. Dans les esprits, tous les jeunes doivent faire des études et obtenir au minimum un baccalauréat. Mais la question que nous devrions nous poser est : pourquoi faire ? En effet, agir ainsi n’est rien de moins que du nivellement par le bas. Preuve en est, le niveau du bac qui se détériore d’année en année. Le taux de chômage des jeunes diplômés s’aggrave chaque année un peu plus, bien qu’un nombre toujours plus important d’entre eux s’expatrie. Pourtant, des formations professionnelles existent et peuvent être choisies dès la sortie du collège. Seules les formations professionnelles post-bac semblent intéresser la classe politique et l’éducation nationale. Nul besoin de faire faire systématiquement à tous nos jeunes de grandes études, d’autant plus que de nombreux postes sont à pourvoir à la suite de ces filières. Cependant, il apparaît plus reluisant aux yeux du corps enseignant et des parents que les jeunes obtiennent des Baccalauréat +5 en psychologie ou encore en communication plutôt qu’un Certificat d’Aptitude Professionnelle de peintre applicateur de revêtement. Pourtant, les débouchés professionnels suite à certaines formations à haut niveau d’études sont saturés. La mission première du CAP est l’engagement dans la vie active. L’insertion rapide dans la vie professionnelle que recherchent certains jeunes n’est pas du goût de tout le monde.

L’image déplorable de l’apprentissage à 16 ans

Les jeunes qui débutent la voie professionnelle à la sortie du collège sont bien souvent dans des situations d’échec scolaire. Ceux qui ne sont pas en échec scolaire, qui n’ont jamais redoublé et qui ont choisi d’apprendre un métier, se verront contraints d’attendre un an avant d’intégrer une entreprise. En effet, la voie de l’apprentissage ne peut être engagée que sous réserve de remplir deux conditions. D’une part, le jeune doit avoir terminé le cycle au collège, et ainsi avoir fini sa troisième, d’autre part, il doit avoir 16 ans. Or sans redoublement, le collège se termine à 14-15 ans. Mais sous aucun prétexte un jeune ne peut commencer à travailler tant qu’il n’a pas 16 ans révolus, car la France est un pays développé. Pour autant, laisser le jeune dans l’attente de pouvoir commencer sa formation professionnelle à la sortie du collège pendant un an, est-ce la meilleure option pour le lancer dans le monde du travail. Certains diront oui, car il a ainsi le temps pour réfléchir. En effet, il aurait peut-être fait une erreur.

Bien souvent, les parents acceptent à contre-coeur que leurs enfants ne continuent pas l’école et débutent un apprentissage dès 16 ans. Pourtant, on continue à étudier en apprentissage, on passe même la moitié du temps à l’école. Et ce n’est d’ailleurs pas plus mal puisque selon les témoignages que nous avons pu recueillir de chefs d’entreprises de PME, notamment dans l’artisanat, un jeune sur trois accueilli en formation ne connaît pas les tables de multiplication. Pour les moins optimistes, ce serait même un sur deux. Passons et revenons-en aux parents. Oui, ce point est intéressant, puisqu’ils sont souvent décriés par les employeurs comme des fardeaux. Dans leur majorité, ils perçoivent la voie de professionnalisation « précoce » comme dégradante, représentant une descente sociale. Les chefs d’entreprises comprennent bien que pour une majorité des parents d’apprentis, leurs enfants sont exploités. Comme si la législation française n’était pas suffisamment fournie pour protéger les jeunes qui commencent leur vie active. Les employeurs qu’ils rencontrent nous ont d’ailleurs fait part du choc des jeunes dont les parents sont fonctionnaires. Cette vision négative est partagée au sein de l’éducation nationale, notamment par les professeurs, de manière inavouée bien sûr. Pourtant, faire des études n’est pas une condition sine qua non pour réussir sa vie.

En revanche, la confiance en soi est déterminante dans la réussite, qu’elle soit scolaire, professionnelle ou personnelle. Mais celle-ci fait défaut chez les élèves dans les écoles françaises dont on ne compte plus les maux. Les professeurs seraient bien heureux d’intégrer le fait que l’on puisse apprendre un métier, « travailler avec ses mains » et s’épanouir.

Un code du travail prohibitif

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les entrepreneurs de TPE ou PME soient de plus en plus réticents à prendre en formation des jeunes. Mais il ya aussi la législation à respecter. Bien qu’il puisse travailler trente cinq heures, soit le temps réglementaire, un jeune de 16 ans ne peut travailler ni le dimanche ni les jours fériés. Il ne peut non plus commencer la journée avant six heures du matin. Par ailleurs, ses deux jours de congé par semaine doivent être consécutifs. Selon les métiers et la taille des entreprises, ces conditions ne sont plus des éléments protecteurs mais de réelles contraintes.

Par ailleurs, lorsque l’apprenti doit utiliser des machines dites « dangereuses », l’employeur doit faire une déclaration « d’autorisation ». Un chef d’entreprise de l’artisanat venant de subir un contrôle de l’Inspection du travail, nous a indiqué que celle-ci l’avait sommé d’établir cette déclaration pour des machines dites dangereuses qui n’étaient que des fours et des chambres froides.

Les jeunes sont protégés, les patrons non. Lorsqu’un jeune souhaitant suivre une formation professionnelle trouve une entreprise, la relation entre lui et l’employeur se noue par un contrat d’apprentissage. Généralement ces contrats commencent en septembre pour une durée de deux ans. C’est la durée d’un CAP. Cependant, nombreux sont les jeunes à ne pas respecter la durée de leur contrat. En effet, les résultats de l’examen en fin de seconde année sont connus en juin. Ainsi, certains d’entre eux, sûrs de l’obtention de leur certificat, mettent fin à leur contrat avant terme pour pouvoir partir en vacances. Après tout, ce choix les regarde, mais le mal réside dans le fait qu’aucun préavis n’est à donner à l’employeur. Il n’y a aucune obligation en la matière. Alors que l’employeur a déjà élaboré, en juin, le programme des congés payés de son personnel, après de nombreux entretiens avec les employés. Imaginons la situation inverse ! L’employeur décide du jour au lendemain de se séparer de son apprenti avant la fin de son contrat. Celui-ci se retrouve aux prud’hommes.

Les politiques et les entreprises : deux monde complètement différents

Depuis 1971, les entreprises de plus de 10 salariés sont assujetties a? une obligation de participer au financement de la formation professionnelle. Depuis la loi du 31 de?cembre 1991, l’obligation le?gale de financement de la formation professionnelle s’e?tend aux entreprises de moins de 10 salarie?s.
Cette participation se fait notamment par deux taxes : la taxe d’apprentissage à destination de l’Etat et la contribution au développement de l’apprentissage à destination des régions. Celles-ci permettent entre autres de financer les Centres de formation des apprentis. Contrairement à d’autres pays, notamment l’Allemagne, les CFA sont gérés entièrement par les régions et non par les entreprises. Par ailleurs, les régions détiennent l’exclusivité sur la création des CFA. Pourtant, les entreprises sont les plus à même de connaître les besoins quantitatifs et qualitatifs du marché. La configuration de notre système de formation en apprentissage est due à la crainte obsessionnelle d’une perspective d’éducation par les entreprises. Inculquer la culture d’entreprise aux jeunes n’est pas un mal, et à ce titre nous ferions bien de nous inspirer des britanniques.

Pour autant, en compensation des efforts fournis par les entreprises à la formation professionnelle, jusqu’en 2012, celles qui accueillaient en leur sein des apprentis se voyaient accorder deux aides : l’une provenant de l’Etat, l’autre provenant de la Région. Mais, la loi de finances pour 2014 a supprimé ces primes pour toutes les entreprises de plus de 10 salariés. La volonté affichée est « de réorienter les axes prioritaires à la croissance ». En réalité, la redistribution des aides financières permettra de réduire les dépenses publiques destinées à la formation professionnelle sous couvert d’une volonté de cibler les priorités. En revanche, les dépenses de formation dans les trois fonctions publiques sont stabilisées[[Selon les données de la Dares « Direction de l’animation et de la recherche, des études et des statistiques »]]. En effet, si la dépense publique pour la formation des agents de l’Etat recule, celles des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi que de la fonction publique hospitalière progressent.

Dépense et effectifs des jeunes en apprentissage

Dépense et effectifs des jeunes en apprentissage

Taux de participation financière des entreprises à la formation continue

Taux de participation financière des entreprises à la formation continue

Ces graphiques font ressentir que les entreprises sont de moins en moins soutenues, alors que dans le même temps elles participent chaque année un peu plus à la formation des jeunes en apprentissage, et ce malgré la crise de 2008. Redistribuer les recettes de taxes payées par toutes les entreprises seulement aux plus petites d’entres elles démontre une fois de plus la vision du marché qu’ont les politiques français : « le gros mange le petit », effet pervers du capitalisme. Pourtant, en réalité c’est l’entrepreneur et l’innovateur qui gagne en compétitivité et prend ainsi une longueur d’avance sur ses concurrents.

Ce constat concernant l’apprentissage via le CAP de deux ans en sortie de collège démontre l’existence d’une part, d’un problème mental sur la vision de certains secteurs professionnels, et, d’autre part, d’une déconnexion totale entre le législateur et le monde de l’entreprise. On recense environ 215 spécialités de CAP réparties dans des domaines tels que la mode, le spectacle, l’artisanat, le BTP, l’agriculture, l’esthétique, l’hôtellerie, la restauration, l’industrie, les services, le transport, la logistique, les métiers du bois, de la mer. Pouvons-nous nous passer de ces métiers ?

Le Président de la République a affiché son ambition. Il souhaite que 500 000 apprentis chaque année soient formés. Cela n’est ni plus ni moins qu’un objectif quantitatif d’un Etat dirigiste. Plutôt que d’annoncer des chiffres, nos gouvernants se sont-ils posé la question du besoin par branche ? La fonction publique a-t-elle réellement besoin de 10 000 apprentis par an ou cela fait-il partie de la politique de réduction du chômage par l’embauche d’agents publics ?
La vraie réforme concernant l’apprentissage serait de le confier aux entreprises. Les Allemands l’ont compris depuis longtemps et c’est pour cela que le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) et à 7.7 % contre 26.2 % en France.

Taux de participation financière des entreprises à la formation continue

Taux de participation financière des entreprises à la formation continue

Dépense et effectifs des jeunes en apprentissage

Dépense et effectifs des jeunes en apprentissage

 

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2 commentaires

Astérix 13 juillet 2014 - 1:05

Les fonctions régaliennes
J'ignore combien de temps faudra t'il encore pour que les Français comprennent ?

Lorsque l'état s'occupe d'économie et de finance la faillite est assurée.
Seul le secteur privé peut nous sortir de ce merdier.

l'on peut même se demander si l'état est capable d'assumer ses fonctions régaliennes (armée, police).

Seul un Paradis fiscal mettrait fin à cette gabegie. Le seul moyen pour arrêter de payer 7 millions de fonctionnaires inutiles qui nous empêchent de nous développer et d'agir pour la prospérité de notre Pays.

Je ne vois aucune différence entre les anciens Pays communistes et la France.

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meunier 15 juillet 2014 - 7:01

réforme de l'apprentissage: un mythe
Comment réformer l'apprentissage quant tout cela est dirigé et imposé par un monde de fonctionnaires qui sont tous complètement à coté de la plaque en ce qui concerne les entreprises qu'elles soient petites ou grandes.
Continuons à nous casser la gueule, quant il n'y aura plus de sous pour les payer après nous avoir tous ruinés, peut être retomberont ils les pieds sur terre, si cela. ne débouche pas sur une guerre civile

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